Histoire du Hameau des Buis
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Au départ, il y avait cette petite école à la ferme sur une exploitation familiale, avec sa vingtaine d’élèves qui jouait sur la colline…
C’était en 2001, l’école La Ferme des Enfants avait deux ans de fonctionnement et se posait déjà la question de son avenir et de sa pérennité. Sophie RABHI-BOUQUET se souvient « A cette époque, nous étions quatre générations sur la ferme familiale. Ma grand-mère, impotente dans son fauteuil, attirait autour d’elle les enfants venus passer des vacances à la ferme. Une entente tacite semblait les relier naturellement. Ils passaient de bons moments ensemble, à plaisanter, à se raconter des petites histoires. Je songeais déjà, à ce moment-là, à créer un lieu de vie. Je me posais la question : quelle population de personnes serait complémentaire avec une communauté d’enfants ?. La situation intergénérationnelle que je vivais dans la ferme de mes parents m’a apporté la réponse, et j’ai eu envie de proposer un lieu de vie qui relie les élèves d’une école avec les personnes âgées. »
L’idée est couchée par écrit sur un premier document de quatre pages. Une petite étude de faisabilité est réalisée, par l’intermédiaire d’un questionnaire adressé à un public ciblé de 200 personnes. Une centaine de réponses enthousiastes reviennent à l’expéditeur. Pour nombre de personnes, ce projet correspond à « ce dont ils ont toujours rêvé ».
Rencontre et partenariat
Les premières rencontres entre les personnes intéressées par ce projet sont organisées en 2002, de manière régulière, tous les deux ou trois mois. Il s’agit de se connaître, d’approfondir le projet, d’évaluer sa faisabilité. De plus en plus de personnes retraitées se joignent à la réflexion. A ce moment-là, un agriculteur voisin met en vente un vieux Mas situé sur la garrigue, en surplomb de la rivière le Chassezac : une opportunité à saisir car les occasions d’acquérir un tel lieu se font de plus en plus rares. Une chance : ce voisin ne veut pas sacrifier son lieu au plus offrant comme cela se produit dans cette zone touristique, il préfère vendre à « quelqu’un du pays ». Sophie RABHI-BOUQUET dispose d’un petit capital de 10 000 € qui lui a été prêté. Elle signe le compromis de vente avec ce pécule, espérant trouver le temps de rassembler des financeurs avant le terme de l’acte. De réunion en réunion, un groupe de partenaires se forme, pour la plupart des futurs résidants potentiels pour le lieu de vie. En 2003, ces partenaires constituent, avec l’association La Ferme des Enfants, une société civile : la SC le Hameau des Buis. Le protocole de financement est défini : chacun verse une somme de 30 500 € au « pot commun », puis finance les coûts de construction de son futur logement.
De l’idée à sa concrétisation
Un premier pécule est réuni et permet d’acheter le Mas, des terres agricoles et un hectare de terrain constructible. Un architecte définit le programme des constructions : rénovation complète du Mas et création du Hameau, un programme de 2000 m² incluant une école bioclimatique toute neuve. L’enthousiasme des participants ne faiblit pas. À un moment donné, la demande surpasse l’offre. Mais les étapes, parfois difficiles, qui se succèdent, demandent beaucoup de détermination. L’un des principaux écueils concerne les limites du budget : impossible de construire avec des entreprises. Pour de nombreuses bonnes raisons, un projet de chantier autoconstructif se dessine. L’architecte se désiste, trop effrayé par une telle aventure. De plus, nous voulons construire en bottes de paille et, à cette époque là, aucun document officiel ne peut garantir ce type de technique constructive. Heureusement, un nouvel architecte s’enflamme pour le projet : il dessine le Mas rénové et le Hameau à construire. Il propose « une architecture de cueillette » : construire à partir de matériaux locaux, sains, peu coûteux mais nécessitant beaucoup de main d’oeuvre… Sur le papier, le projet est magnifique.
Démarrage d’un chantier non conventionnel
Le chantier débute en mars 2006 : rénovation du Mas, installation d’une structure d’accueil avec douches, cuisine collective, hébergements… A l’été 2006, la structure d’accueil est prête. Des dizaines de bénévoles viennent prêter main forte, dans une ambiance chaleureuse et solidaire, pour la rénovation du Mas et l’installation d’une infrastructure de construction (hangars, ateliers, table de montage des cloisons…). En août, le permis de construire est déposé en Mairie. Mais l’accord tardera à venir. De grandes difficultés administratives affaiblissent le projet. L’attente des autorisations met tous les participants à l’épreuve. En avril 2007, le permis de construire est enfin obtenu mais les études ont pris du retard : le doute d’obtenir le permis a freiné tous les élans. Les premières maisons débutent en juillet 2007. Le chantier possède les caractéristiques d’un projet expérimental. Il faut tout inventer : les procédés constructifs, les procédures, l’organisation du chantier, le carnet d’adresses des fournisseurs… La tâche est ardue mais, au fil des mois, une solide expérience se construit patiemment. Les constructeurs salariés travaillent aux côtés des bénévoles motivés, heureux d’apprendre toutes sortes de techniques écologiques.
Surmonter les obstacles financiers
Fin 2008, la moitié des maisons est commencée dont plusieurs en cours de finition. Comme pour tout projet de cette envergure, l’aspect financier joue un rôle déterminant. Le chantier avance de manière efficace et régulière. En revanche les futurs habitants tardent à se manifester. Seulement une quinzaine de logements est réservée sur les 20 prévus. De plus, parmi les personnes futures résidantes, certaines ont de la difficulté à honorer leurs appels de fonds. Le projet connaît des difficultés de trésorerie. Aussi étonnant que cela puisse paraître depuis notre garrigue Ardéchoise, nous sommes touchés par la crise économique des Subprimes. Certains futurs habitants ne peuvent plus honorer leurs appels de fonds car leur bien tarde à se vendre, les banques sont gelées et ne prêtent pas. Comme pour toute adversité rencontrée, le collectif du Hameau des Buis, constitué des porteurs de projet, des futurs résidants, pour la plupart retraités, et des bénévoles, saisissent l’opportunité qui se présente pour changer leur outil d’épaule. Si les futurs habitants du lieu ont de la difficulté à entrer dans le projet (ce n’est pourtant pas les candidats qui manquent), il faut faciliter l’accès au logement. Une offre de Partenariat est diffusée auprès d’un réseau de sympathisants pour débloquer des prêts solidaires et finir les travaux. Ce Partenariat permet à de futurs résidants d’entrer dans le projet dans des conditions allégées sur le plan financier.
Mission accomplie !
En 2008 déjà, le Mas totalement rénové permet à l’école et la ferme de déménager. La vie colonise le Hameau des Buis, de plus en plus : les enfants, les poules, les chèvres, les poneys… Toute une activité quotidienne s’ajoute à la ferveur du chantier qui bat son plein. L’année suivante, nous développons des ambitions périlleuses d’autonomie alimentaire. Des maraîchers sont installés sur un terrain voisin, en bordure de rivière. Mais ce démarrage est laborieux et peu satisfaisant. La terre est pauvre, inondable, et les compétences trop légères par rapport au défi à relever… Difficile de faire pousser sa nourriture dans la garrigue !
En 2011, c’est la fin du chantier. Les habitants s’installent, les uns après les autres, dans leurs logements tous neufs, encore vibrants de toute la générosité mobilisée pour en venir à bout. Au terme du chantier, tout le monde est bien fatigué mais heureux de cette réussite. En effet, ce n’était pas gagné ! Nombreux sont ceux qui avaient pariés pour l’effondrement de cette réalisation…
Place au « vivre ensemble »
Très vite, la formule est examinée et contestée : vit-on ensemble ? Pour certains c’est évident, pour d’autres non… Les mois qui suivent l’installation des habitants sont marqués par l’obligation d’organiser le chaos des subjectivités en un ensemble cohérent, respectueux de chacun. C’est un vaste chantier qui recommence ! Un chantier humain cette fois-ci… Les personnalités se montrent, se frottent, s’affrontent, s’entrechoquent parfois. Nous recherchons nos modes de gouvernance, nos limites, notre identité, notre fonctionnement… Ça remue fort. Les premiers conflits apparaissent au détour d’un chemin, d’un pont, d’un désaccord, d’un malentendu… Certains sont des ressources avec des compétences en communication non violente ou médiation, d’autres vont se former, chercher de nouveaux outils, d’autres encore pensent que la parole libérée permettra de venir à bout de toute problématique. Dans les faits, rien n’est simple… Nous passons du rêve à la réalité…
Évolutions et développement
L’école se développe. En 2011, elle fonde son collège et son effectif augmente encore. Elle compte alors 70 élèves, 80 en 2015-2016. L’équipe se structure. L’association La Ferme des Enfants accueille aussi des volontaires européens et des services civiques. Elle développe des formations et accueille du public : pédagogie, création d’écovillage, communication bienveillante… A la ferme, ça se professionnalise aussi. Un chevrier fait évoluer la petite production de lait. Un cheptel est reconstitué, une laiterie est bâtie au sous-sol du Mas et les fromages sont délicieux, vendus sur place ou au marché. Deux habitants prennent la partie agricole en main : ils relèvent le défi de produire des légumes au verger, sur une zone semi-aride. La permaculture est la technique utilisée : amendement, broyat, buttes pérennes…. En outre, un financement solidaire permet la construction d’un bassin de récupération des eaux pluviales. De l’autre côté du terrain, vers les habitations, une maisonnette est réhabilité en boulangerie bio. Le four à bois est imposant. Au démarrage : 2 fournées par semaine sont réalisées par 3 boulangers passionnés. Le pain est magnifique. Il est vendu sur place et sur les marchés environnants.
Pour autant, l’économie du Hameau des Buis reste précaire, et plusieurs habitants doivent aller travailler à l’extérieur pour s’en sortir.
Douloureux atterrissage
2018 est l’année de l’effondrement de notre idéal commun. La gouvernance démocratique cède le pas aux revendications et prises de pouvoir. L’association la Ferme des Enfants est prise d’assaut, son patrimoine social dilapidé, et sa place au cœur du lieu remise en question. Plusieurs habitants orchestrent une guerre d’usure à l’encontre de l’école et des fondateurs. Une violente bataille juridique est engagée. En parallèle, les plus convaincus tentent sans relâche d’aboutir à des accords amiables. Pour en savoir plus sur ce conflit et ses enjeux, cliquez ici.